lundi 4 octobre 2010

L'aventure s'arrête, mais continue


Si la biodiversité a été largement mise en avant en 2010, les espèces des océans, des savanes africaines et des pôles ont, comme à leur habitude, gardé la vedette. Pourtant, s'il fallait se rendre au coeur du plus grand réservoir de biodiversité du monde, c'est dans les forêts tropicales humides qu'il faudrait voyager...

Enfert vert pour les explorateurs ou jardin d'Eden pour les naturalistes, la forêt tropicale est un monde de contradictions. Elle évoque à la fois l'harmonie et le chaos, suscite aussi bien l'émerveillement que la peur. Nous connaissons tous l'existence des forêts tropicales, nous sommes en général conscients des menaces qui pèsent sur leur devenir, mais il nous est souvent bien difficile de reconnaître les espèces qui les peuplent et de comprendre leur rôle à l'échelle mondiale.

Nous voilà donc de retour en France après une année de terrain riche en observations. La faune aura été notre centre d'intérêt sur ce blog, mais n'oublions pas que la flore, les champignons et les bactéries font également partie de cette biodiversité. Pour tous les curieux, désireux d'en savoir plus sur les écosystèmes tropicaux et sur les objectifs de notre association, rendez-vous sur notre site www.exode-tropical.com, tout juste remis à jour. Sont aujourd'hui disponibles près de 20 reportages, 250 images, 40 fiches "espèces" mais aussi des carnets de route et un aperçu de nos futurs projets: salons Nature, documentaire vidéo, balade virtuelle, exposition itinérante, voyages photographiques, récit de voyage, etc... Via Facebook, vous pourrez rester au plus proche de notre actualité (suivez-nous!). Nos galeries photos seront disponibles à partir de fin octobre et chaque mois, une nouvelle ouvrira.

Enfin, sachez que 2011 a été proclamée année internationale de la forêt par l'assemblée générale des Nations Unies: la jungle fera encore parler d'elle!

Merci à tous ceux qui ont suivi cette aventure tropicale. Il nous faut maintenant reconstruire une vie en France et reprendre quelques kilos...à bientôt, ici ou ailleurs...

Marie-Anne et Sylvain

vendredi 17 septembre 2010

Un clown avec des ailes

Les pinsons de Darwin sont les oiseaux les plus célèbres de l’archipel des Galapagos. Néanmoins, les véritables stars du ciel sont les espèces marines telles que les frégates superbes (Fregata magnificens), les pélicans bruns (Pelecanus occidentalis) ou les fous à pieds bleus (Sula nebouxii). Nombre de ces espèces ne sont pas endémiques aux îles mais sont arrivées sur ces terres naturellement, sans intervention humaine : elles sont dites natives des Galapagos. Ce terme permet de faire la différence avec les espèces introduites et invasives.


L’observation des fous à pieds bleus est relativement facile sur les îles équatoriennes. Ces oiseaux pêcheurs fréquentent les côtes rocheuses de toutes les îles. Certains sites comme Isla Seymour, au nord de l’île Santa Cruz, sont reconnus pour accueillir les colonies de fous pendant leur période de reproduction. Accompagnés d’un petit groupe de passionnées et du guide obligatoire à toutes excursions ici, nous traversons Santa Cruz depuis son port principal et nous naviguons jusqu’à Seymour Norte.




Ici, ces oiseaux n’ont pas de grands prédateurs : ils nichent au sol et ne sont absolument pas inquiétés par la présence de l’homme. Nous respectons bien entendu les 2 mètres de distance minimum imposés par le parc national. La végétation est sèche, principalement arbustive et clairsemée. Tout au long de notre balade, les fous nous émerveillent. Les parades amoureuses se sont achevées et les oiseaux, toujours en couple, couvent maintenant leur chère progéniture. Certains oisillons ont même déjà vu le jour et nous nous régalons à observer une femelle nourrir son jeune. Nous pourrions rester des heures à filmer et photographier ces scènes de vie uniques. Mais le tourisme est ici très réglementé et nous nous contenterons d’une paire d’heures sur place. Certes trop bref, mais tellement intense.



mercredi 8 septembre 2010

Onk-onk!

Au travers des découvertes de Darwin, les Galapagos ont changé notre façon de voir le monde. Paradoxalement, ce laboratoire de l'évolution ne possède que peu d'espèces (60 d'oiseaux, 20 de reptiles, une poignée de mammifères et aucun amphibien) en comparaison à d'autres sanctuaires de vie sauvage. La particularité de la biodiversité des Galapagos est qu'elle comprend une grande proportion d'espèces endémiques, c'est-à-dire uniques aux îles. C'est le cas des pinsons, des lézards de lave ou encore de l'otarie des Galapagos (Zalophus wollebaeki).

Les otaries sont incontournables ici. Présentes sur toutes les îles, elles passent de longues heures à se prélasser sur les plages de sable et sur les roches volcaniques, jusqu'à envahir les embarcadères des ports de pêche. Paisibles et non craintives, elles font la joie des touristes en balade sur la côte. En prenant le temps de les observer, il est possible de photographier toutes sortes de comportement: jeux, accouplement ou encore allaitement.

L'une des activités touristiques phares des Galapagos est une séance de snorkeling (masque, palmes et tuba) au milieu de ces mammifères marins. Un spectacle magique que nous n'aurons raté pour rien au monde. Un regret toutefois: nous ne sommes pas équipés pour la photographie sous-marine!

dimanche 29 août 2010

Le dragon des Galapagos

Les îles Galapagos, d'origine volcanique, n'ont jamais été en contact avec le continent américain. Les espèces ont colonisé ces terres grâce aux vents, aux oiseaux disséminateurs et aux courants marins. L'ancêtre commun des iguanes marins, par exemple, serait arrivé aux Galapagos sur des radeaux végétaux à la dérive depuis le continent. Un voyage d'au moins deux semaines, au soleil et sans eau douce, auquel aucun amphibien et de rares mammifères terrestres ne peuvent survivre (seuls quelques rats y sont parvenus).

Au fil du temps, face aux nouvelles ressources alimentaires offertes par ce littoral volcanique, les iguanes ont appris à se nourrir des algues qui se développent sur les roches, dans la zone de balancement des marées. Aujourd'hui, l'iguane Amblyrhynchus cristatus est le seul iguane marin au monde. Les mâles sont capables de plonger plus de 10 minutes pour arracher des végétaux à la pierre: de quoi nous motiver pour arpenter les plages à sa recherche.De telles plongées sont un risque "thermique" pour les iguanes. La plupart du temps, les lézards se dorent au soleil, discrètement camouflés entre les rochers dont ils arborent la couleur. Notre séance photo prend des airs de cache-cache, au milieu de bourrasques de vent et de vagues qui claquent contre le littoral.

vendredi 20 août 2010

La tortue des îles enchantées

175 ans après Charles Darwin, nous posons le pied sur les "islas encantadas" des Galapagos. A lui seul, le nom de cet archipel fait rêver bien des passionnés, autant naturalistes que marins ou plongeurs. Bien loin de la pluie et de la boue de nos chères forêts tropicales humides, nous nous ouvrons ici à un tout autre monde.
A 1 000 kilomètres au large des côtes de l'Équateur, nous voilà sur des terres volcaniques habitées par une biodiversité unique au monde. La différence la plus frappante, lorsqu'on s'intéresse à la faune sauvage terrestre, est que la scène animale n'est plus dominée par les mammifères mais par les reptiles.

Le plus célèbre d'entre eux, et le plus impressionnant, est sans conteste la tortue géante des Galapagos (Geochelone sp.). C'est sur l'île de San Cristobal que nous observons pour la première fois ce monstre de 200 kilos. Une rencontre qui ne laisserait personne indifférent et qui nous ramène en quelques secondes au temps de la préhistoire!

Il existe aujourd'hui 11 espèces de tortues géantes dans l'archipel. Elles se distinguent par leurs aires de répartition sur les différentes îles et par la forme de leurs carapaces, plus ou moins bombées. Cette différence morphologique est fonction notamment du type de végétation dans lequel elles évoluent et se nourrissent. Cet exemple d'évolution radiative, au même titre que le bec des pinsons, est l'une des nombreuses observations de Charles Darwin à l'origine de sa fameuse théorie de l'évolution.

mardi 10 août 2010

L´arlequin à six pattes

Après deux mois consacrés à l´Amazonie, nous traversons la cordillère des Andes pour rejoindre Bilsa, une autre station biologique de la fondation Jatun Sacha. Bilsa est aussi le nom donné à une réserve protégée de 3 500 ha de forêt de pré-montagne et de nuage. Ici, à plus de 500 m d´altitude, l´eau ruisselle constamment le long de la végétation, donnant l´impression d´une pluie sans fin. L´humidité de l´air avoisine les 100% et mousses, lichens, broméliacées recouvrent les arbres (on parle de plantes épiphytes).

Dans la région, la forêt est menacée par l´élevage et l´agriculture. C´est pourquoi Carlos, responsable de la station, s´investit depuis 20 ans dans un vaste projet de reforestation. En sa compagnie, nous apprenons à différencier forêts primaires, mâtures et secondaires et nous nous étonnons des années de travail nécessaires à recréer une forêt à partir d´un pâturage.

Ce matin là, caché sous un tronc mort, une grosse bestiole laisse dépasser ses longues pattes. Le moment est unique : il s´agit d´un arlequin de Cayenne (Acrocinus longimanus), un insecte malheureusement très prisé par les collectionneurs. Au-delà des inexplicables hiéroglyphes dessinés sur ses élytres, ce coléoptère est remarquable par sa première paire de pattes, complètement disproportionnée chez le mâle (environ 10 cm). Ces appendices auraient un rôle dans la reproduction et aideraient l´insecte à franchir les obstacles dans le sous-bois. La séance photo, au grand angle et à quelques petits centimètres de l'arthropode bourdonnant, nous aura donné des frissons dans le dos...

mardi 27 juillet 2010

300 kg pour un drôle de cochon

On estime que les forêts tropicales ne couvrent que 6 à 7 % des terres émergées. Elles abritent pourtant plus de la moitié des espèces vivantes de notre planète et constituent de ce fait le plus grand réservoir de biodiversité au monde. Au nord de l´Amazonie équatorienne, le parc national Yasuni est considéré par certains scientifiques comme le site le plus diversifié sur terre. Une escale à la station de recherche du parc était donc inévitable.

Depuis 1995, pour mieux comprendre la dynamique des forêts et leur rôle dans le cycle du carbone à l´échelle mondiale, diverses études et un large inventaire floristique sont menés à Yasuni. Les premiers résultats sont étourdissants. Sur une parcelle de 50 ha, 1 164 espèces d´arbres ont été identifiées avec un record de 644 espèces par hectare! (contre seulement une dizaine en moyenne dans nos forêts tempérées). La région compte aussi près de 500 espèces de lianes, 600 d´oiseaux, 210 de reptiles et amphibiens, 300 de poissons et 170 de mammifères, dont le rarissime tapir du Brésil (Tapirus terrestris).

Le tapir est le plus gros animal terrestre d´Amérique du Sud. A plusieurs reprises, tout au long de notre voyage, nous avons suivi ses empreintes sans jamais l´apercevoir. Après des mois d´attente, le mastodonte nous offre un face à face inoubliable aux premières heures de la journée.

Il est là, devant nous, aucunement effrayé par notre présence. Sa silhouette disgracieuse ornée d´une courte trompe nous évoque un curieux croisement entre un éléphant et un cochon. Pourtant, en tant que périssodactyle, le tapir est plus proche génétiquement du rhinocéros et du cheval !